La période de confinement, avec la fermeture de certains commerces au public (tels que les bars, restaurants) a fait naître une légitime inquiétude de ces entreprises, qui sont souvent de toutes petites entreprises, pour leur trésorerie, voire même leur avenir, en raison du maintien d’au moins une partie de leurs charges, dont leurs loyers commerciaux.
Sans aucune rentrée financière, devoir régler le loyer des locaux commerciaux peut être véritablement impossible, et la crainte du locataire est de voir résilié son bail s’il ne règle pas son loyer, dès lors que son propriétaire n’aurait pas accepté de suspendre volontaire le paiement de ce loyer pendant la fermeture.
Cette inquiétude est encore plus forte sachant qu’à ce jour, aucune date n’a été arrêtée pour la réouverture.
Des discussions ont lieu actuellement entre l’Etat et les représentants de la banche CHR, mais l’Etat pourra difficilement imposer à des propriétaires privés de renoncer au règlement des loyers.
Pour autant, certains évoquent la possibilité de se servir de notre droit des obligations et du principe d’exception d’inexécution qui a été intégré dans le Code Civil pour pouvoir fonder pour le preneur, le non-paiement des loyers.
L’idée est la suivante :
Le principe d’exception d’inexécution, maintenant inscrit aux articles 1219 et 1220 du Code civil, est de permettre, dans un contrat synallagmatique à une partie de refuser l’exécution de son obligation :
« une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. »
« Une partie peut suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle »
Le bailleur est tenu à une obligation de délivrance et de jouissance paisible du preneur. Il s’agit là d’une obligation essentielle du contrat, en contre partie de quoi le preneur est tenu au paiement du loyer.
Cette obligation de délivrance oblige le bailleur à délivrer un local permettant l’exploitation du commerce et que le preneur puisse jouir utilement et paisiblement de ce local pendant tout le contrat. Il s’agirait d’une obligation de résultat.
Pendant le confinement, du fait de la fermeture administrative des locaux, cette délivrance n’est plus assurée par le bailleur et il ne pourra revenir sur l’impossibilité de délivrer les lieux sur toute la période pendant laquelle la fermeture administrative a eu lieux.
Certes, cela n’est pas dû à une faute de sa part, et sa responsabilité contractuelle ne saurait être engagée.
Pour autant, la jurisprudence a pu admettre que l’absence de faute n’empêche pas l’absence de résultat promis, ce qui, en présence d’une obligation de résultat, caractérise la non-exécution de l’obligation.
Du fait du non-respect de cette obligation essentielle du bailleur, le preneur pourrait ainsi se prévaloir de cette situation pour considérer qu’il est lui-même libéré de sa propre obligation de règlement du loyer pendant cette période.
Une réserve peut néanmoins être relevée quant à la possibilité de celui tenu à une obligation de résultat, de s’exonérer de l’absence de réalisation de son obligation par le cas de force majeure. L’appréciation de la force majeure répond cependant à des conditions appréciées très strictement par la jurisprudence. Par ailleurs, si cela justifierait l’absence de faute du bailleur et de l’engagement de sa responsabilité contractuelle, cela n’empêcherait pas de faire jouer l’exception d’inexécution pour rétablir l’équilibre du contrat et des obligations réciproques, tant que le bailleur ne peut pas assurer sa propre obligation.