La rupture conventionnelle, mode de rupture permettant à l’employeur et au salarié de mettre fin d’un commun accord au contrat de travail, ouvrant droit à Pôle Emploi pour le salarié, est très prisée.
Depuis sa création, le nombre de rupture conventionnelle n’a cessé de croitre chaque année. Il a franchi le nombre de 514.000 en 2023, et est encore en progression de 3,2% au premier trimestre 2024, malgré l’augmentation du forfait social que doit verser l’entreprise (passé de 20 à 30% pour les indemnités inférieures à deux plafonds de sécurité sociale).
Ce qui a pu contribuer à son succès côté entreprise tient à la sécurisation du dispositif par la jurisprudence, limitant drastiquement les hypothèses de remise en cause. En effet, la rupture conventionnelle ne peut être remise en cause qu’en cas de vice de consentement ou de fraude, hypothèses examinées de manière très strictes.
C’est ainsi autour des vices du consentement que l’essentiel des contestations ont été élevées, et généralement, par le salarié. Pour autant, la Cour de cassation a écarté dans la plupart des hypothèses l’existence d’un vice du consentement, de même que la fraude, validant les ruptures conventionnelles intervenues pendant un accident de travail, dans un contexte de harcèlement, etc.
Dans un arrêt récent du 19 juin 2024 (Cass.soc., 19 juin 2024, n°23-10.817), la Cour de cassation avait à examiner la question du vice du consentement de l’employeur, ce qui est assez rare. Elle a validé, en rejetant le pourvoi, l’arrêt de la Cour d’appel qui avait annulé la rupture conventionnelle à la demande de l’employeur. La Cour d’appel avait retenu que le salarié avait volontairement dissimulé des éléments dont il connaissait le caractère déterminant pour l’employeur afin d’obtenir le consentement de ce dernier à la rupture conventionnelle.
La signature de la rupture conventionnelle par l’employeur était motivée par le souhait de reconversion professionnelle du salarié dans le management, sans savoir que le projet, auquel étaient associés deux anciens salariés de l’entreprise, consistait en réalité à créer une entreprise dans le même secteur d’activité. Elément important à préciser : le salarié n’était pas lié par une clause de non-concurrence, ce qu’il avait fait valoir devant la Cour, et avait soutenu que cette annulation portait une atteinte disproportionnée au principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle.
Ces arguments ont été rejetés par la Cour de cassation, validant l’arrêt de la Cour d’appel qui avait estimé que la dissimulation par le salarié de ses véritables projets, en prétendant auprès de son employeur pour obtenir sa rupture conventionnelle qu’il voulait se reconvertir, constituait un dol.
Autre enseignement de cet arrêt, les conséquences que la Cour de cassation fait produire à l’annulation de la rupture conventionnelle. Lorsque la convention de rupture conventionnelle est rompu en raison d’un vice du consentement de l’employeur, elle produit les effets d’une démission. Le salarié devra donc non seulement restituer l’indemnité de rupture conventionnelle, mais également pourra être condamné au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis de démission. En outre, il devrait être conduit au paiement d’un indu auprès de Pôle Emploi.
Cette décision n’est cependant guère surprenante, la même motivation ayant pu conduire à annuler une rupture conventionnelle lorsque l’employeur avait dissimulé à son salarié l’existence d’un plan de sauvegarde de l’emploi en cours de préparation, avec suppression du poste du salarié. (Cass.soc., 6 janvier 2021)
Toute la question résidera dans la preuve des éléments qui ont déterminé le consentement, d’où l’intérêt qu’il peut y avoir, dans certains contextes, d’écrire ce qui conduit les parties à décider de procéder à la rupture conventionnelle.